Laurence Arribagé (Toulouse) : « Nous allons bénéficier de fonds via les recettes de France 2023 »
Par Pascale Baziller | Le | Acteurs publics
Coup de projecteur sur le Village Rugby de Toulouse, le plus grand du territoire et les enjeux de la Coupe du monde de rugby pour Toulouse Métropole. Interview croisée de Laurence Arribagé, maire-adjointe de Toulouse en charge des sports et de la Coupe du monde rugby et Pierre Garrigues, directeur fondateur de l’agence PGO.
Le Village Rugby France 2023 de Toulouse est le plus grand du territoire ? Une première pour la ville ?
Laurence Arribagé. Oui, c’est la plus grande fan zone de France avec une capacité d’accueil de 40 000 personnes. Toulouse n’accueillera pas l’équipe de France mais reçoit 5 matchs de la compétition avec des équipes importantes comme les All Blacks.Tout le monde n’ayant pas la chance de détenir un billet pour assister aux rencontres, nous avons voulu rendre accessible le Village Rugby au plus grand nombre afin que le public puisse profiter de cette belle fête du rugby. Il sera ouvert durant 20 jours pendant la compétition. Tous les matchs seront retransmis dont ceux de l’équipe de France, ceux qui se jouent à Toulouse (10, 15, 23 et 28 septembre et 8 octobre) et les phases finales. Nous avions déjà une fan zone à l’occasion de l’Euro 2016 mais avec un dispositif beaucoup moins important, la capacité d’accueil était de 15 000 personnes. Cette compétition a eu lieu dans un contexte particulier, après les attentats avec des contraintes très importantes en termes de sécurité. De plus, la coupe ne se tenait pas en France. Mais, nous avons été élus ville la plus accueillante de la compétition européenne de football par l’ensemble des supporters. La Coupe du monde de rugby France 2023 se déroule dans un tout autre contexte. Elle se joue en France avec de nombreuses rencontres au Stade de France avec Toulouse qui est la terre de rugby. Nous avons donc choisi de déléguer la gestion de cette nouvelle fan zone à des professionnels. C’est l’agence PGO qui a été retenue comme prestataire pour organiser et animer le village en lien avec les services de la métropole de Toulouse.
Pierre Garrigues. Le Stade de France (Seine Saint-Denis) avec ses 90 000 places sera en effet le sanctuaire sportif de cette Coupe du monde de rugby. Notre ambition est de faire du Village Rugby de Toulouse le sanctuaire festif de la compétition. On se dit très modestement et humblement à Toulouse capitale du rugby avec un club (Stade Toulousain) le plus titré avec 22 titres de champion de France et une quinzaine de joueurs qui évoluent dans l’équipe de France. Il nous fallait donc un site à la hauteur de ce rendez-vous. La métropole de Toulouse (37 communes) nous a donné les moyens d’exploiter ce site, la prairie des Filtres (Quartier Saint-Cyprien) en bord de Garonne, à moins de 10 minutes du Stadium, pour accueillir les touristes et les supporters de la ville de Toulouse et de toute la région. Nous renouvelons l’expérience après avoir eu la chance d’organiser un Village Rugby avec Didier Lacroix (président du Stade Toulousain), à l’occasion de la Coupe du monde de rugby 2007. Notre commanditaire était à l’époque la ville de Toulouse, la capacité d’accueil était alors de 20 000 personnes. Aujourd’hui, c’est la métropole de Toulouse qui est à l’initiative de ce projet. Depuis plus de 15 ans, le territoire s’est énormément développé. De fait, notre dispositif a également évolué pour pouvoir accueillir davantage de public (40 000 personnes) dans de bonnes conditions.
Quel dispositif avez-vous mis en place ?
Pierre Garrigues. Tout d’abord, ce Village Rugby est entièrement gratuit pour tous. Il abrite deux écrans géants, le premier est placé côté Pont Neuf de la prairie pour 30 000 personnes et l’autre au centre pour 10 000 personnes, un espace à l’ambiance plus tranquille, plus familiale. Le projet est de reproduire l’ambiance d’un stade et proposer de multiples animations avant les matchs pour faire monter l’ambiance. Le public pourra soutenir son équipe et faire des pronostics sur les résultats des matchs via une application sur mobile. Il y a aura des lots à gagner. Un animateur sportif et un consultant sportif interviendront et animeront les soirées. Il y aura également chaque jour de match, un karaoké géant avec la diffusion des paroles des chansons sur le téléphone via une application et le concours du meilleur déguisement. Ces animations donneront lieu à des images retransmises en direct sur les écrans. Il y a également une grande aire de jeux où des associations proposeront notamment des initiations au rugby pour les jeunes. Pour le match d’ouverture (France Nouvelle-Zélande) le 8 septembre, des DJs se sont succédé sur la scène (Laurent Wolf, Trinix, Feder, Jay Style…) et Omar Hasan (ancien joueur des Rouge & Noir) a entonné l’hymne de l’équipe de France. Nous avons également organisé un spectacle de 200 drones le Rugby Drone Show qui ont formé 13 tableaux au-dessus du fleuve dans le ciel toulousain. C’était une première à Toulouse. Cela a fait de belles images pour valoriser la destination ! Sur le Village Rugby, nous avons aménagé une 3e zone constituée du village des partenaires et d’un espace entreprises pouvant accueillir jusqu’à 350 personnes. Enfin, l’idée a été de créer un restaurant étoilé en plein air de 24 couverts appelé « La table du président », en collaboration avec le chef étoilé toulousain Stéphane Tournié. Ce dernier signe et exécute le menu (200 € HT vin et mets compris). C’est unique. Il connaît d’ailleurs un franc succès !
Quel est le budget du Village Rugby ? Avez-vous atteint vos objectifs en termes de partenariat et d’hospitalité ?
Laurence Arribagé. Le budget consacré par la métropole de Toulouse à la Coupe du monde de rugby est de l’ordre de 4,5 millions d’euros dont 2 millions pour la fan zone. Les 2,5 millions d’euros restants permettent de financer le dispositif global de sécurité et toutes les animations qui se déroulent dans la ville et aux abords du Stadium depuis plus d’un an, de la création d’un espace pour orienter les touristes au marché du rugby en passant par le concert de l’orchestre national du Capitole de Toulouse (16 septembre 2023) qui a lancé les festivités de la Coupe du monde de rugby. Précisons que sur les 2 millions d’euros destinés à la fan zone, 1,5 million d’euros (hors recettes) était inclus dans le budget des travaux du Stadium (pelouse, mise aux normes…) dont le montant s’élevait à plus de 6 millions d’euros. Il faut savoir que nous allons bénéficier d’un dispositif d’héritage dans les recettes comme lors de l’Euro 2016. L’organisateur France 2023 a prévu qu’une partie des retombées économiques de la Coupe du monde de rugby au niveau national serait répartie entre les 10 villes hôtes. Nous ne connaissons pas pour l’instant le montant. Pour l’Euro 2016, cet héritage a été de l’ordre de 2 millions d’euros pour chaque ville qui ont permis de construire des city stades ou d’améliorer des stades existants. À l’issue de la compétition, nous disposerons donc également de fonds via les recettes de la Coupe du monde de rugby pour réaliser des projets structurants, rénover des terrains de rugby ou créer des terrains de rugby dans les quartiers ou dans les communes de la métropole.
Pierre Garrigues. Oui, nos objectifs ont été remplis. Les entreprises locales ont joué le jeu et se sont mobilisées naturellement sur des délais courts. Nous avons bouclé notre budget partenariats et hospitalité. Le budget pour le Village Rugby de la Coupe du monde est d’environ 2 millions d’euros. Notre agence s’est engagée à hauteur de 25 % de ce montant. La métropole a lancé un appel à projet en janvier dernier qui incluait également une proposition sur le modèle économique. En tout cas, en très peu de temps, nous avons réussi à réaliser nos objectifs financiers et à avoir un budget solidifié pour l’événement.
Avez-vous fait une estimation des retombées économiques de cet événement pour la métropole ?
Laurence Arribagé. Faire une estimation des retombées économiques est très compliqué. L’agence d’attractivité toulousaine indique que l’impact du tourisme d’affaires est difficilement quantifiable à ce stade. Néanmoins, elle estime les retombées économiques autour des 38 millions d’euros (hors Haute-Garonne) et à 95 000 de visiteurs à Toulouse durant la compétition. De plus, une étude réalisée par France 2023 indique que le panier moyen d’un séjour en France pour un supporter étranger est de 1300 euros par personne. Quand nous analysons ces données au niveau de notre territoire, nous obtenons un panier moyen précis de 492 euros (hors transport) par supporter étranger lors de son séjour à Toulouse et 230 euros par supporters français. Et, la durée moyenne du séjour se situe entre 2 et 4 jours. Les veilles et les jours de matchs, les hôtels affichent complets et le taux de remplissage des hôtels est entre 80 et 90 % en septembre.
Pierre Garrigues. Il y a également un enjeu médiatique et d’image pour la métropole. Les médias sont très intéressés par Toulouse capitale du rugby et notre Village Rugby, sanctuaire festif de cette Coupe du monde. Nous avons eu la venue d’un plateau délocalisé de TF1 le soir du lancement de la Coupe du monde de rugby (8 septembre 2023). Nous sommes des metteurs en scène, les acteurs restent les joueurs. Si l’équipe de France réalise un beau parcours, et elle va le faire, TF1 envisage de revenir. Cette médiatisation donne de la visibilité à notre destination.
Laurence Arribagé. En effet, la Coupe du monde de rugby nous apporte des retombées en termes d’image et d’attractivité. Le sport est un bon vecteur pour faire la promotion de la destination. Nous sommes d’ailleurs souvent candidats à l’accueil de grands événements sportifs. Cette nouvelle compétition va ainsi permettre de faire connaître notre territoire à d’autres pays comme le Japon dont l’équipe nationale a établi son camp de base à Toulouse et joue deux matchs au Stadium. Les Japonais sont très exigeants sur la sécurité, la qualité des infrastructures, la tranquillité et l’accueil. Les professionnels du tourisme réservent le meilleur accueil à tous les visiteurs. Aussi, nous avons traduit en japonais le guide d’accueil du supporter et formé des bénévoles à la pratique de mots en langue japonaise.