Denis Caille : « L’accueil d’événements scientifiques renforce la réalité des filières du territoire »

La Cité des congrès de Nantes a 30 ans en 2022. Quelle lecture faites-vous des trois décennies qui se sont passées ?

La Cité des congrès de Nantes est un équipement métropolitain qui a pris sa place dans son environnement. Son projet initial qui était d’accueillir à la fois des spectacles, des congrès et des salons perdure aujourd’hui. Mais, ce qui a considérablement changé est son modèle économique. La lecture des trois décennies qui se sont passées montre que la première décennie consacrée au lancement a été assez difficile. À cette époque, l’équipement n’avait pas encore de productions culturelles ou économiques en propre et les congrès n’avaient pas la même configuration qu’aujourd’hui, notamment les congrès internationaux quasi-absents (sur la première quinzaine d’années). Nantes et ses relations à l’international se sont construites progressivement. À partir de la deuxième décennie, un changement s’opère avec le développement de la commande publique (la collectivité) d’événements qui permet à la Cité d’ancrer dans le territoire à cette époque des manifestations importantes comme La Folle Journée, les Biennales du spectacle (de retour) ou le Forum des droits de l’homme. Mais, la crise des subprimes (débute en 2007-2008 aux États-Unis) qui a un impact sur les finances publiques va contraindre la Cité à modifier sa stratégie. Elle doit alors se positionner sur un marché de congrès privés plus que sur la commande publique qui ne peut plus satisfaire à la continuité du modèle économique. Elle travaille donc plus sur la relation avec son territoire et ses acteurs privés et développe une stratégie de chartes avec des ambassadeurs (grands acteurs du territoire) de manière à développer des congrès à forte valeur ajoutée. Ainsi, la décennie 2010-2020 voit apparaître beaucoup d’événements scientifiques et internationaux qui modifient progressivement le rôle de la Cité dans son territoire. En résumé, nous sommes passés d’un outil réceptif territorial plutôt orienté sur le marché local et national à un outil réceptif d’événements internationaux portés par des organisations privées et moins par les acteurs publics.

Que représentent aujourd’hui les congrès dans votre activité ?

Notre chiffre d’affaires global est de 15 millions d’euros en 2022 dont 6/6,5 millions sont réalisés par l’activité congrès. Sur ces 6,5 millions d’euros, 30 % sont générés par les chartes avec de grands comptes stratégiques (ambassadeurs) du territoire et 25 % par l’international. La Cité a été très fortement touchée par le Covid à l’image du secteur événementiel. Mais nous sommes en train de rattraper ces deux années compliquées. Cette année, nous devrions être à 0 ou au-dessus de 0 en termes de résultats, ce qui est une remontée exceptionnelle de retour à la normale compte tenu de ce que nous avons vécu avec une perte de 70 % du chiffre d’affaires deux années consécutives (2020 et 2021). L’enjeu est désormais de retrouver au plus vite notre dynamique d’avant la crise sanitaire. Notre plan de relance nous amène dans la prospective à rééquilibrer les comptes en 2025. Si nous mettons le sujet énergétique de côté, nous sommes à peu près entre 12 et 18 mois d’avance par rapport à la feuille de route que nous nous sommes donnés. Nous remontons la pente à une vitesse accélérée. Mais, autant les organisateurs de congrès réapparaissent, autant l’impact de la guerre en Ukraine et ses conséquences sont très lourdes pour tous les équipements économiques dont les palais des congrès. Nous sommes passés d’une crise des recettes à aujourd’hui une crise des charges. La performance de l’année 2023 va sans nul doute être dégradée par le poids des charges.

Quelles sont les conséquences sur vos objectifs ?

Nous n’avons pas d’inquiétude sur la partie commande et réservation pour le moment. En revanche, qu’allons-nous être capable de mener en raison de l’explosion du coût de l’énergie qui touche toutes les professions et tous les milieux économiques ? Il y a évidemment un effet ciseau qui n’est pas facile à anticiper parce que nous sommes sur un niveau d’inflation improbable aujourd’hui, nous allons être bien au-dessus de 5 ou 6 % comme actuellement, et au niveau énergétique nos factures peuvent potentiellement être multipliées par 4.

Comment gérez-vous cette nouvelle situation ?

Nous devons à la fois optimiser la gestion des charges de fonctionnement et limiter l’impact en matière de tarification avec des augmentations raisonnables de façon à ne pas faire fuir de futurs clients. Il y a un an, nous n’avions pas connaissance de la guerre en Ukraine, nous étions dans des perspectives de reprise d’activité très favorables. Aujourd’hui, les populations et tous les secteurs économiques subissent au quotidien les impacts de cette guerre. Ce qui est valable aujourd’hui, peut être mis à mal dans six mois par d’autres incidents que nous sommes incapables maîtriser.

Un anniversaire qui s’achève dans un moment d’incertitudes…

Dans chacune des décennies, il se passe toujours un événement macroéconomique à grand impact que nous pouvons considérer comme faisant partie d’un cycle. Nous sommes entrés dans une période de turbulences très fortes après le Covid et la guerre en Ukraine mais nous devons raisonner sur des tendances. Nous aurons encore de nombreux événements scientifiques et de l’international. La question qui se pose est comment évoluera le secteur événementiel si la crise perdure ? Là, nous sommes dans l’incertitude. Ce qui est sûr, c’est que la Cité a la responsabilité de renvoyer au territoire ce qu’il lui apporte avec l’accueil d’événements scientifiques qui renforcent la réalité de chacune des filières scientifiques et sont le fer de lance de Nantes et de sa région. C’est un système assez vertueux.

En quelques mots, la célébration des 30 ans…

Elle s’est bien passée. Il y a eu une dynamique et une mobilisation de beaucoup de partenaires anciens et récents. La Cité des congrès est reconnue comme un équipement structurant pour l’ensemble des acteurs, qui a la confiance de ses collectivités et acteurs privés. C’est plutôt positif.