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Béatrice Eastham (Climeet) : «  Nous avons fait une levée de fonds de 1M€ en dix jours  »

Par Pascale Baziller | Le | Solutions

Un collectif de 50 personnalités engagées dans l'événementiel, la tech et la protection de l’environnement s’est réuni pour accélérer le déploiement de Climeet, un outil de calcul de l’empreinte carbone, pédagogique et fiable, pour les événements. Objectifs : faire de la filière événementielle, la première à s’inscrire dans les accords de Paris, créer une norme mondiale et embarquer les autres industries.

Béatrice Eastham, PDG de Climeet - © Steven Wassenaar
Béatrice Eastham, PDG de Climeet - © Steven Wassenaar

Climeet vient d’annoncer une levée de fonds d’un million d’euros pour accélérer le déploiement de sa solution. Comment avez-vous atteint cet objectif ?

Cette levée de fonds s’est faite très rapidement, en 10 jours. Fin mai, j’ai réuni un collectif de 50 associés engagés dans la filière événementielle, la transition écologique et la tech parmi lesquels Cédric Ringenbach, auteur de la Fresque du Climat, Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, Isabelle Giordano, Pierre-Henri Guignard, secrétaire général de la COP21, Emmanuelle Ledoux (INEC), Frank Tapiro, Denis Remon (directeur de l'événementiel à Paris Society), Stéphane Vatinel (Sinny&Ooko) ou encore Guy Bigwood (The GDS Index). Ces personnes aux profils très différents ont envie de contribuer au projet. Certaines issues de la French Tech for Good par exemple vont apporter leur expertise, leurs contacts et leur expérience sur la bonne gestion d’un produit tech, d’autres de la filière événementielle leur expertise d’utilisateur. Par ailleurs, nous avons constitué un comité scientifique qui sera le garde-fou de l’ambition d’impact du projet.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de Climeet, entreprise de l’économie sociale et solidaire spécialisée dans la mesure de l’empreinte carbone des événements ?

Climeet est issue de Green événements, société de conseil, pour répondre d’une part, à un besoin marché de clients et d’autre part, à notre volonté de conduire la filière sur des sujets indispensables à sa survie et son impact qu’elle peut avoir sur le monde. Notre volonté s’est accélérée avec le Festival de Cannes avec lequel nous avons réalisé la première version dans un format offline. Très vite, nous avons testé et amélioré (test and learn) cet outil sur plus de 100 événements. Nous avons sorti une version bêta puis une version plus aboutie en novembre 2022 sous Green événements. Mais, notre volonté était de perfectionner cet outil pédagogique, de le rendre plus fiable, plus tech, plus design, de rajouter des services, des modules ou encore des connecteurs pour faciliter la vie, comme créer un connecteur avec les ERP des traiteurs. Aujourd’hui, Climeet est un outil destiné à tous les opérateurs d’événements qui cherchent à limiter leur empreinte carbone. À la fin du mois, nous sortons deux modules, un pour les traiteurs et l’autre pour les standistes qui auront désormais leur empreinte carbone dans leur devis. Pour que le produit s’améliore dans son ergonomie, dans sa connexion à la data, dans son offre de ses services complémentaires… nous devons investir, c’est pour cela que nous avons fait une levée de fonds.  

Quels sont les premiers investissements que vous allez réaliser ?

Il y a trois grands axes : la complétion du produit, nous préparons une roadmap technique, l’embauche d’une équipe, 3 ½ personnes vont venir rejoindre l’équipe déjà constituée de trois personnes dans les six prochains mois, et enfin la communication pour faire connaître Climeet à tous les maillons de la chaîne. Notre ambition est de faire que Climeet devienne l’outil de référence et une habitude pour tous les organisateurs d'événements en France comme à l’international. Car, aujourd’hui, aucun autre pays n’a encore préempté le sujet du carbone sur les événements. Il n’y a pas de norme qui définit son périmètre, quel type de données il faut rentrer… Nous pouvons donc produire en France des indicateurs qui pourront être exportés. Un des objectifs est d'être la première filière et nous espérons la première d’une longue liste à s’inscrire dans les accords de Paris donc la trajectoire de réduction carbone.   

Lancement de Climeet sur la terrasse du Moulin Rouge le 14 juin 2023 - © Maxim Korotchenko
Lancement de Climeet sur la terrasse du Moulin Rouge le 14 juin 2023 - © Maxim Korotchenko

Votre ambition est-elle de créer une norme européenne ?

Une norme mondiale. Nous sommes en discussion avec plusieurs partenaires de grande ampleur. Nous avons déjà signé un partenariat avec South Pole, un opérateur qui œuvre pour la décarbonation dans plus de 50 pays dans le monde et avec The GDS Index (The Global Destination Sustainability Index), un programme d'évaluation et d’amélioration en matière de durabilité pour les destinations du monde entier.

Quelle est la valeur ajoutée de Climeet ?

Climeet propose un outil pédagogique, fiable et simple d’utilisation pour que les opérationnels (chefs de projets…) puissent s’emparer du sujet. Cet outil permet de mesurer précisément l’impact environnemental d’un événement suivant des critères concrets et une technologie nouvelle. Il transforme les informations métiers en données d’émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble des postes physiques et digitaux (transport, technique, logistique, alimentation, communication). Par ailleurs, l’outil permet de proposer des alternatives et des scénarios de réduction d’empreinte tout au long de la conception de l’événement mais aussi dès l’étape de l’appel d’offres. Nous avons développé une plateforme e-learning avec l’association Bilan Carbone et l’ADEME pour être au standard en termes de contenu et de format.

Des entreprises utilisent-elles déjà votre outil ?

Oui, nous avons des acteurs de la filière événementielle (agences, organisateurs d’événements…) mais également 30 entreprises parmi lesquelles outre le Festival de Cannes, L’Oréal, Moët Hennessy ou Décathlon mesurent l’empreinte carbone de leurs événements avec Climeet. Celui-ci fonctionne sous forme d’abonnements et permet d’évaluer un nombre d’événements selon ses besoins.

La filière événementielle pourrait-elle servir de modèle aux autres industries ?

Une fois de plus, le pouvoir de notre filière est sa transversalité. Le premier objectif est d’avoir un impact significatif de réduction d’empreinte carbone de notre filière. Le second objectif effectivement est d'être exemplaire et d’embarquer les autres filières que nous réunissons sur nos événements. Nous allons commencer des tests sur des concerts, des musées et des expositions qui ne disposent pas aujourd’hui de solution pour évaluer leur empreinte carbone. Il ne devrait pas y avoir de modification de l’outil pour ces secteurs. Nous restons vraiment experts sur notre sujet.

Avez-vous fait des évaluations sur la réduction d’impact carbone des utilisateurs de Climeet ?  

Oui, nous commençons à faire des évaluations qui portent d’une part sur les émissions liées à l’organisation et d’autre part, sur celles liées au transport et à l’hébergement des participants. Du côté organisation, nous arrivons assez fréquemment à des résultats tangibles avec une réduction de l’ordre de 20 - 25 % des émissions. Cela permet par effet de ricochet à améliorer l’excellence organisationnelle, grâce à une meilleure gestion de la data par exemple ou des dialogues plus construits avec les prestataires. En revanche, c’est plus compliqué sur la partie participants car cela implique des décisions qui amènent à une réflexion stratégique sur le nombre de participants, la localisation de l'événement, le choix du format… C’est un challenge très stimulant intellectuellement, ça fait repenser le modèle, cela permet d'échanger davantage avec les parties prenantes et se projeter dans le futur ! La recherche de la donnée a réellement des effets vertueux annexes !