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Les OKR : la méthode pour mesurer les résultats clés d’un événement

Par Pascale Baziller | Le | Solutions

Emmanuel Fraysse et Arnaud Winther, directeurs associés de l’agence conseil Digilian nous présentent la méthode des OKR, comment la mettre en œuvre dans l’événementiel et quels sont ses enjeux à l’heure où elles « sont plus que jamais d’actualité dans un contexte toujours plus incertain et complexe ».

Arnaud Winther et Emmanuel Fraysse, directeurs associés de l’agence conseil Digilian - © D.R.
Arnaud Winther et Emmanuel Fraysse, directeurs associés de l’agence conseil Digilian - © D.R.

La mesure de la performance des événements est devenu un enjeu majeur pour les entreprises. Vous proposez une nouvelle approche basée sur les OKR. De quoi s’agit-il ? 

Emmanuel Fraysse. OKR, signifie en anglais Objectives & Key Results, Objectifs et Résultats Clés en français. La méthodologie des OKR a été développée dans les années 1970 par Andy Grove, alors CEO d’Intel. Il est parti du constat que ses équipes travaillaient beaucoup mais ne finalisaient pas grand-chose. Son ambition était alors de s’assurer que tout le monde dans l’entreprise allait concentrer ses efforts sur ce qui était important sur la période définie sans se disperser. Un de ses managers, John Doerr a mis en œuvre et déployé les OKR chez Intel avant de devenir investisseur dans des startups. Il a rendu populaire la méthode en 1999 quand il a investi dans une petite startup, à la seule condition qu’elle pilote son activité avec les fameux OKR. Et cette startup, c’était… Google !

Les fondateurs de Google disent qu’une partie de leur succès et de leur croissance à deux chiffres depuis leur création est due à cette méthode. En effet, elle leur a permis de définir année après année leurs priorités et de focaliser et d’aligner les équipes sur ce qui compte. Et cela depuis la petite startup de la fin des années 90 jusqu’à la multinationale de 182 000 employés en 2023 ! Intel, Google… bon démarrage pour cette méthodologie ! La méthode a été reprise depuis par de nombreuses entreprises de toutes tailles et dans tous les secteurs d’activités.

La méthode OKR est une méthode de management collaboratif et agile qui se décline sur tout type de projet et qui permet de passer de la Vision à l’Exécution. Sa particularité est de mettre en œuvre un processus d’amélioration continue dans les projets afin de rentrer dans le cercle vertueux de l’équipe projet apprenante. Les OKR sont plus que jamais d’actualité dans un contexte toujours plus incertain et complexe.

Comment adapter cette méthode à la communication et plus précisément à l’événementiel ?

Emmanuel Fraysse. Les événements sont des projets, et comme tous les projets, ils doivent être pilotés et managés. Dans l’événementiel, on a toujours eu besoin d’être agile et de s’adapter en permanence. Ça n’a rien de nouveau ! Comme le dit le comédien Jean-Pierre Bacri dans le film ”Le Sens de la fête” (2017), face aux aléas : “on s’adapte”.

Les OKR permettent de donner un cadre dès le départ, souple et coconstruit avec les parties prenantes (clients, organisateurs, équipes…). Ils facilitent le recentrage sur le sens, le “pourquoi” nous faisons ce projet et à considérer tout événement comme un processus de transformation.

Les OKR ont pour principale vertu d’aider les managers (dirigeants, chefs de projets…) à passer de la Vision à l’Exécution. C’est la “courroie de transmission” ou la “colonne vertébrale” en fonction de l’image qui vous parle le plus pour permettre le passage à l’action.

Le “O” de OKR, c’est l’Objectif. Cet objectif est qualitatif, c’est une phrase qui définit notre ambition pour l’évènement : pourquoi je fais ce que je fais ? On peut définir un macro objectif global et le décliner en 3 objectifs.

Pour chacun de ces objectifs, nous allons pouvoir définir ses 3 KR (Key results), Résultats Clés. Les Résultats Clés constituent la mesure du succès que l’on souhaite atteindre : notre événement sera performant s’il atteint quoi comme résultat ?

Les objectifs doivent être ambitieux et légèrement inconfortables. Les résultats clés doivent être le meilleur résultat possible, et non juste le plus probable. Nous partons du principe que réussir à atteindre 100 % de notre résultat clé se fera si tous les éléments sont complètement favorables dans un monde idéal… Atteindre 80 % est donc déjà un succès !

Comment mettre en œuvre cette méthode OKR ?

Arnaud Winther. La théorie de mise en œuvre des OKR paraît toujours simple : définir 3 objectifs et créer 3 résultats clés pour chacun d’entre eux. Mais nous voyons systématiquement que sa mise en pratique est très complexe car cela vient questionner généralement beaucoup d’habitudes déjà ancrées dans les équipes et le management. De plus, le bon fonctionnement des OKR se fera dans un alignement global de toutes les équipes.

Dans un monde idéal, les OKR doivent démarrer par un travail du dirigeant de l’entreprise sur sa vision, voir même revenir à la raison d’être de l’entreprise avant de créer sa première version des OKR. Une fois cette première version réalisée, le dirigeant doit se prêter à l’exercice de proposer ces OKR à son équipe pour se les faire questionner, challenger et ainsi aboutir à une version partagée par tous. Là encore, il faut s’assurer que tout le monde va pouvoir s’exprimer, que l’on va éviter les non-dits, voire crever les éventuels sujets mis sous le tapis. Cette étape permet de travailler l’exemplarité au niveau de l’équipe dirigeant qui est la première équipe projet de l’entreprise.

Ensuite, chaque membre de l’équipe de direction va pouvoir réfléchir à ses OKR. Attention, il ne s’agit pas de décliner les OKR de l’entreprise mais de les aligner en créant ses propres OKR d’équipe avec cette question fondamentale : comment vais-je contribuer à l’atteinte des OKR de l’entreprise ? Et ainsi de suite… jusqu’à arriver aux OKR du service Communication et à ceux de chaque événement.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples dans l’événementiel ?

Emmanuel Fraysse. Une manière de créer ses objectifs pour son événement peut être de se poser les questions de ses ambitions selon les phases temporelles : avant l’événement, pendant l’événement et après l’événement et ainsi avoir ses 3 objectifs. Par exemple, pour un salon spécialisé, on pourrait retrouver des OKR de cette nature :

  • Notre évènement est le plus connu et reconnu dans son domaine auprès de
    • 10 top stories dans les médias 1 mois avant l’évènement
    • 20 % d’augmentation par semaine du trafic sur le site de l’événement dans les 3 mois qui précèdent l’événement
    • 70 % des inscriptions sont réalisées en ligne 1 semaine avant l’évènement
  • L’expérience vécue sur notre salon est la meilleure des salons de sa catégorie
    • 95 % de note supérieure à 7 sur le NPS de l’évènement
    • 100 % des participants participent à au moins 2 ateliers de leur choix
    • 80 % des participants s’engagent à mettre en œuvre au moins une des actions vue lors de l’évènement
    • 50 % des participants s’inscrivent à l’évènement suivant avant la fin de l’événement
  • L’événement génère une communauté qui vit en dehors de l’événement
    • 5 communautés se réunissent 1 fois par trimestre avec au moins 50 participants
    • 10 posts par semaine sont générés sur LinkedIn par chaque communauté jusqu’au prochain événement
    • 2 actions concrètes sont mises en œuvre par les communautés tous les trimestres

La construction de ses OKR se marie également très bien avec une autre méthode agile qu’est l’Event design. En effet, la méthode vous force à réfléchir à tous les éléments importants qui feront que celui-ci se démarquera des autres. Vous pourrez ainsi être plus au clair sur vos enjeux, vos cibles, leurs attentes ainsi que vos indicateurs principaux à challenger dans vos OKR.

Quels sont les enjeux de la mise en œuvre des OKR ?

Arnaud Winther. Les OKR permettent de mettre en œuvre 5 enjeux majeurs dans le management d’équipes et de projets  : générer un engagement collectif, impliquer l’ensemble de la ligne hiérarchique, aligner sur des priorités d’actions, responsabiliser chacun, piloter finement la mise en œuvre.

Pour y arriver, il y a bien entendu plusieurs challenges.

Le premier est de trouver les bons Résultats Clés et de réussir à réellement mesurer de la valeur ajoutée générée plus que des actions faites ou non. En effet, le travers classique est de se retrouver avec une liste de tâches et non de résultats clés. Pour arriver au bon Résultat Clé si nous sommes sur des actions, nous devons nous demander pourquoi voulons-nous faire ces actions ? À quoi vont-elles servir ? Elles seront un succès si elles nous permettent d’obtenir quoi ? Comment vais-je réussir à le mesurer ? Régulièrement les équipes se rendent compte que l’indicateur qui serait pertinent n’existe pas et qu’il faut le créer. Dans ces cas-là, on va pouvoir le créer pour le cycle suivant (le trimestre en général) et rester en mode dégradé avec des actions faites/ non faites dans un premier temps. Le tout étant de le partager avec son équipe et de rentrer dans un processus d’amélioration continue pour le cycle suivant. C’est pour cela qu’il nous paraît primordial de se faire accompagner au début et de former en interne quelques référents qui pourront aider à la facilitation du travail collaboratif dans d’autres équipes (à l’image de l’agile master dans les méthodes agiles).

Le deuxième challenge que l’on constate, est le risque de s’arrêter à la construction de ses OKR et de ne pas piloter avec. C’est déjà bien de se mettre d’accord sur les enjeux et ce que l’on souhaite atteindre collectivement, mais si cela ne sert pas à mesurer les évolutions semaine après semaine pour réajuster ses actions en conséquence… cela perd de sa substance ! Le choix des Résultats Clés et de la capacité de pouvoir mesurer l’impact des actions menées semaines après semaines est donc essentiel.