Le Groupe F à ciel ouvert

Jusqu’à la dernière minute, le principal risque auquel sont soumis les artificiers est le vent quelle que soit la saison. Et, autant dire avec un avis de tempête annoncé, le risque était loin d’être nul sur les Champs-Élysées à Paris (8^e) en cette journée du 31 décembre 2023. Fort heureusement, il s’est éloigné permettant le lancement d’un feu d’artifice spectaculaire pour marquer l’entrée dans l’année 2024 devant une foule (estimation un million de personnes) massée sur la célèbre avenue parisienne.

« Il y a eu quelques pointes à 45 km/h, nous avons été à la limite de devoir modifier le programme. Selon la nature et le sens du vent, nous pouvons être amenés à annuler un feu ou couper des effets pour éviter le moindre danger », explique Christophe Berthonneau, président et directeur artistique du Groupe F (société de production de spectacles vivants et d’événements pyrotechniques) retenu par l’agence Havas Events (producteur délégué de l’événement pour la mairie de Paris) pour réaliser un show pyrotechnique sur l’Arc de Triomphe.

« La place de l’Étoile est un lieu remarquable car il donne un point de référence pour les projections mais qui est contraint en termes de territoire de feu. Cela oblige à faire de la dentelle, travailler beaucoup en 3D et des effets qui ont une portée maximum de 60 mètres mais également choisir des matériaux qui sont le moins générateur possible de fumée en raison de la proximité des bâtiments mais permettent de faire des feux qui se voient », expose Christophe Berthonneau.

Le show avait pour thème le lancement de l’année olympique, Paris accueillant les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Un défi symbolique pour le directeur artistique. « Nous avons imaginé un spectacle autour de l’élégance et de la beauté qui caractérisent Paris et conçu des feux en osmose avec les projections diffusées en temps réel sur l’Arc de Triomphe par la société de production Cosmo AV et calés avec la musique. Les outils du 21^e siècle nous permettent aujourd’hui de générer un virtuel qui se rapproche beaucoup du réel et à retranscrire ensuite ce virtuel dans une projection d’images », développe Christophe Berthonneau.

La réalisation de spectacles dans le monde entier

Outre Paris, le groupe F a assuré également le show du 31 décembre dans plusieurs villes dont Barcelone (Espagne), Riyad (Arabie Saoudite) et Belgrade (Serbie). Près de 450 personnes (20 à Paris) étaient mobilisées pour offrir des spectacles lumineux aux citoyens. Un exercice qui demande des compétences techniques, une expertise technologique, une approche artistique et des talents (vidéastes, techniciens, ingénieurs…) pour créer des chorégraphies aériennes qui vont susciter l’enchantement et l’émotion auprès des (télé)spectateurs. L’inspiration vient de la nature, de son observation en toute tranquillité. Ou comment la lumière peut révéler un décor, habiller une intention et accompagner de nouveaux langages artistiques. C’est bien l’ADN du groupe F qui conçoit des spectacles pyrotechniques et des œuvres vivantes à ciel ouvert, depuis plus de trente ans à travers le monde. De la clôture des Jeux olympiques d’été à Barcelone en 1992 au centenaire de la mort d’Antoni Gaudi sur la Sagrada Familia à Barcelone (2002) en passant par le nouvel an sur la Taipei 101 à Taïwan (2012-2015), les cérémonies d’ouverture et de clôture pour la FIFA World Cup à Doha (2022) ou encore les 10 ans du Mucem à Marseille (2023) et bien de nombreux autres événements internationaux. Un savoir-faire connu et reconnu à travers le monde pour ses feux d’artifice, flammes, lumières lasers, décors monumentaux mais également drones.

Une expertise des drones

C’est un spectacle de 1350 drones qui a illuminé la Rade de Genève (Suisse) durant trois soirs en mai 2023. Un ballet synchronisé poétique créé dans le cadre de la manifestation Feu Ô qui a rassemblé près de 800 000 spectateurs. « C’est le plus grand show de drones d’Europe », s’enthousiasme Christophe Berthonneau. Le groupe F a été récompensé pour cette création. Il a reçu le prix du Live Spectacular TEA 2023 (Themed Entertainment Association). « Ce prix montre que nous pouvons faire une recherche artistique dans le ciel avec des drones. Nous avons réalisé cette année 40 % de notre chiffre d’affaires avec les drones », poursuit-il.

La société de production a également imaginé des sortes d’installations artistiques avec des drones rendant hommage à l’architecture des six musées (Guggenheim Abu Dhabi, Le Louvre Abu Dhabi, le Musée national Zayed…) de l’île de Saadiyat, dans le cadre de Manar Abu Dhabi (exposition de nouvelles commandes et sculptures lumineuses, projections et œuvres d’art immersives). Le spectacle se joue tous les jours depuis le 15 novembre 2023 jusqu’au 30 janvier 2024.

Ces dernières années, le groupe F a fait le choix stratégique de développer une expertise sur les spectacles de drones et d’investir massivement sur ce secteur.  « Nous avons une antériorité sur ce qui se fait de nouveau avec les drones. Nous avons accumulé 180 000 vols de drones en peu de temps. Le groupe F est dans une transition sur des spectacles du 21^e siècle avec des drones. Cela représente aujourd’hui un tiers de notre activité. Nous avons investi 5 millions d’euros sur trois ans, 25 télépilotes, la capacité de faire voler 4 flottes en même temps. C’était un pari dangereux mais nous sommes en train de le gagner », explique Christophe Berthonneau qui exprime également faire le choix de ce nouvel outil également pour réduire de manière importante son impact écologique.