Territoires

Laurent Cormier (Auvergne Rhône-Alpes) : « Le tourisme d’affaires redevient une priorité stratégique »

Par Pascale Baziller | Le | Acteurs publics

Le tourisme d’affaires, un enjeu pour la région Auvergne Rhône-Alpes. Laurent Cormier, directeur délégué Auvergne Rhône-Alpes Tourisme nous présente les grandes lignes de la stratégie lancée dès 2024.

Laurent Cormier, directeur délégué Auvergne Rhône-Alpes Tourisme  - © D.R.
Laurent Cormier, directeur délégué Auvergne Rhône-Alpes Tourisme - © D.R.

Pouvez-vous nous présenter la région Auvergne Rhône-Alpes ?

C’est aujourd’hui une région de plus de 8 millions d’habitants qui est la 2e région touristique française en termes de retombées économiques après Paris Île-de-France. Ce chiffre d’affaires généré par le tourisme est de l’ordre de 17 milliards d’euros en 2022 et pèse 9 % du PIB régional. Nous avons accueilli 259 millions de nuitées en 2023 dont 23 % de nuitées internationales, 29 % de nuitées françaises ont été réalisées par les habitants de la région, notre première clientèle. Depuis la crise de la covid, nous avons initié des dispositifs comme Partir Ici, un catalogue en ligne de 4500 offres éco-responsables et durables. Aujourd’hui, 1,8 million de personnes sont aujourd’hui usagers de cette plateforme. À travers ces initiatives, nous stimulons le tourisme de proximité en impliquant les territoires et les habitants. Si le tourisme de proximité est stratégique pour nos destinations, nous avons aussi besoin d’attirer les clientèles étrangères. Nos entreprises de tourisme comme les hôtels dans les Alpes, les campings en Ardèche mais aussi les villes de congrès sont dépendantes de clientèles étrangères. Nous travaillons toutes les cibles car c’est le seul moyen pour répondre à nos objectifs de répartition de la fréquentation dans le temps et l’espace d’une part et d’augmentation de valeur de séjour d’autre part.

Par ailleurs, le tourisme représente 236 000 emplois touristiques directs, c’est très important, et 1,9 milliard d’euros d’investissements chaque année dont 81 % dans l’hébergement. C’est remarquable ! C’est un vrai vecteur d’attractivité.

Lyon, destination de tourisme d’affaires en région Auvergne Rhône-Alpes - © Geoffrey Reynard
Lyon, destination de tourisme d’affaires en région Auvergne Rhône-Alpes - © Geoffrey Reynard

Comment vous situez-vous en matière de tourisme d’affaires ?

Le tourisme d’affaires est un enjeu depuis toujours pour la région. Après Paris, les intentions des entreprises pour organiser leurs conventions, leurs séminaires, leurs colloques ou autres événements sont très fortes sur notre territoire. Mais jusqu’à récemment, l’agence régionale du tourisme ne travaillait pas sur ce champ en raison de la présence déjà de nombreux interlocuteurs dont une trentaine de bureaux des congrès. Il ne s’agit pas d’intervenir partout, il faut créer de la valeur ajoutée. Mais, la covid est survenue. Un des secteurs qui a le plus été frappé par la pandémie est le tourisme d’affaires et c’est celui qui a eu connu la reprise la plus lente. Il y a un an et demi, les acteurs de ce secteur nous ont sollicités pour voir comment nous pouvions collaborer, mutualiser et coordonner des opérations. Nous avons alors consulté les acteurs régionaux et à la suite de nos échanges, nous avons rédigé une feuille de route. À partir de 2024 et grâce au soutien de la Région, nous mettons en place un plan d’actions spécifique pour accompagner les acteurs du tourisme d’affaires. Le tourisme d’affaires redevient une priorité stratégique pour l’agence.

Quelles sont les grandes lignes de cette feuille de route ?

Il y a trois grands axes d’action. Le premier  est de réaliser une étude pour connaître ce que pèse le tourisme d’affaires dans l'économie touristique régionale, savoir précisément d’où viennent les clientèles et ce qu’elles consomment, avec un œil sur les destinations concurrentes. Auvergne Rhône-Alpes est la 2e région industrielle de France avec un tissu économique et d’entreprises puissant et innovant avec une attractivité forte pour les investisseurs et les entreprises étrangères. Deuxièmement, nous serons un relais de communication auprès des les entreprises régionales pour les inciter à organiser leurs séminaires et conventions en Auvergne Rhône-Alpes.

La montagne, une destination pour des séminaires résidentiels (Vue du Mont Blanc) - © D.R.
La montagne, une destination pour des séminaires résidentiels (Vue du Mont Blanc) - © D.R.

Notre rôle est d’être en veille pour inspirer ces entreprises à organiser des choses autrement, en les informant des nouveautés. En termes de positionnement, nous allons d’abord nous appuyer sur les caractéristiques de l’offre régionale touristique avec nos grandes thématiques de séjour, en ville, à la montagne, dans les vignobles, à la campagne ou sur les bords des lacs alpins… Comme nous le faisons aujourd’hui pour le tourisme de loisirs.

Les villes sont très bien organisées avec leurs bureaux des congrès et de conventions. Nous n’avons pas de valeur ajoutée à apporter sur le segment des congrès. En revanche, nous allons positionner notre action sur des séminaires résidentiels, des séjours incentive et les conventions de petite taille. L’idée est de croiser notre expertise en tourisme avec le tourisme d’affaires. Nous pouvons amener du contenu, thématiser des opérations par exemple, la vallée de la gastronomie que nous mettons en marché aujourd’hui. Déployer un plan d’actions en faveur du tourisme d’affaires contribue à désaisonnaliser l’activité touristique au printemps et à l’automne, un de nos objectifs stratégiques. Nous sommes une grande région, l’hiver avec le plus grand domaine skiable au monde (175 stations et environ 40 millions de journées skieurs chaque saison) mais également l’été que ce soit dans le sud de la région avec la Drôme provençale, les gorges de l’Ardèche… mais aussi les volcans d’Auvergne, sur les lacs alpins et en altitude de plus en plus plébiscitée.

Vue aérienne de la Chaîne des puys (puy de Pariou et puy de Dôme) - © Joël Damase
Vue aérienne de la Chaîne des puys (puy de Pariou et puy de Dôme) - © Joël Damase

 

Sur le volet ciblant les entreprises et associations régionales, nous allons développer des dispositifs de communication online et offline et travailler en étroite collaboration avec l’Agence économique de la région, en lien direct avec le tissu industriel régional.

Le troisième axe est de conquérir de nouvelles parts de marché en France et à l’export et répondre ainsi aux besoins exprimés par les acteurs régionaux du marché MICE (les bureaux des congrès, les sites touristiques, les hôteliers mais aussi les DMC ou les PCO). Pour se faire, nous allons co-construire et mutualiser des actions de promotion commerciale BtoB. Nous jouerons un rôle de connecteur offre/marché et d’accélérateur de business. Nous pourrons collaborer, là encore, avec Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises notamment dans la logique d’attractivité des entreprises internationales « Invest ». 

Quelle clientèle souhaitez-vous toucher ?

Nos marchés prioritaires seront en 2024 la France essentiellement Paris, la Suisse autour du lac Léman mais aussi la Belgique et le Royaume-Uni. Nous compléterons le moment venu le plan d’actions avec les marchés allemand et nord-américain. Nous ciblerons les agences événementielles pour ces marchés étrangers, où nous nous positionnerons sur le segment des petits séminaires résidentiels et des séjours incentive autour du ski et des activités outdoor, de la gastronomie et des vins… Sans oublier les conventions et symposiums autour de 200 personnes. Dans ce cadre, nous pourrons nous appuyer sur les bureaux d’Atout France pour participer collectivement avec nos partenaires régionaux à des salons B2B ou Business Travel Exhibitions. Rien ne nous empêche d'être un peu plus créatif en organisant des opérations spécifiques « Auvergne Rhône-Alpes Events  » comme des soirées thématiques dans un lieu original ou nouveau, à même de créer de l’appétence pour la destination.

Une feuille de route bien remplie ?  

Oui, il convient de planifier nos actions car nous ne pourrons pas aller sur tous les marchés en même temps. Et le pré-requis pour construire et développer notre stratégie tourisme d’affaires passe par une meilleure connaissance clients et des marchés. D’où la phase d’études que nous avons démarrée et dont nous aurons les premiers livrables cette fin d’année. Nous venons de recruter un spécialiste du tourisme d’affaires, Ed Hazlewood, qui a une expérience de 20 ans dans le développement commercial B2B. Ed va aller à la rencontre des acteurs dès janvier, pour pouvoir démarrer la construction des premières actions collectives au 1er semestre 2024. Parallèlement, nous allons nous doter de nouveaux outils dont une plateforme web dédiée aux events, pour rester au contact des pros côté offre et inspirer à la fois les donneurs d’ordre.