Stratégies

La culture et les industries créatives, leviers d’attractivité pour le Grand Paris

Par Pascale Baziller | Le | Agences & organisations

Provoquer la rencontre entre les mondes de la culture et des arts et celui de l’entreprise. C’est l’ambition des MAGNÉTiques, un projet initié par Paris-Île de France Capitale Économique. Cette dernière a publié récemment une étude intitulée « Culture et industries créatives, un atout économique, social et territorial pour le Grand Paris ». L’enjeu : montrer combien le secteur culturel est générateur de valeurs économiques et sociales pour le territoire.

 Les festivals (plus de 400 festivals) en Ile-de-France sont des événements attractifs - © Melinda Nagy
Les festivals (plus de 400 festivals) en Ile-de-France sont des événements attractifs - © Melinda Nagy

« La création culturelle est à la fois la raison et l’effet de la créativité dans tous les domaines. Les territoires et les époques dans lesquels la création culturelle était particulièrement dynamique sont aussi ceux où le dynamisme industriel, scientifique, intellectuel, sociétal était le plus fort. Les industries créatives et culturelles sont aussi un secteur économique essentiel en Île-de-France. De notre point de vue d’attractivité économique, il ne s’agit donc pas tant de valoriser l’immense patrimoine culturel du Grand Paris, déjà bien connu, que de donner à voir la création culturelle d’aujourd’hui, et dans tout le Grand Paris ». C’est en ces mots que Xavier Lépine, président de Paris Île-de-France Capitale Économique (créé par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris) introduit l’étude intitulée « Culture et industries créatives, un atout économique, social et territorial pour le Grand Paris » parue en avril 2023 et réalisée avec Beaux Arts & Cie et le soutien de la DRAC Île-de-France et la Métropole du Grand Paris.

Les MAGNÉTiques : pour la rencontre des mondes de la culture et de l’entreprise

Cette étude s’inscrit dans le projet les MAGNÉTiques initié par Paris Ile-de-France Capitale Économique dont l’ambition est de provoquer la rencontre entre les mondes de la culture et des arts et celui de l’entreprise. Cette rencontre passe par d’une part l’organisation de soirées, la dernière a rassemblé des acteurs de différentes sphères le 10 juillet chez Sotheby’s avec pour thème « Comment la rencontre de l’art et du numérique renforce-t-elle la logique de la place du Grand Paris ? », d’autre part l’organisation de résidences d’artistes en entreprise permettant d’initier un nouveau type de création et de créativité entre les parties prenantes (12 résidences d’artistes en saison 1, saison 2 en préparation).

La culture et des industries créatives, des secteurs qui pèsent dans l’économie francilienne

Le poids du secteur culturel a été estimé à 21 milliards d’euros en 2015 en Île-de-France. Ce poids significatif dans le PIB de la région est lié à la vitalité culturelle de l’Île-de-France, qui concentre une part non négligeable des activités économiques du secteur. Culture et industries créatives sont également génératrices d’emploi, elles représentent 10 % des emplois de la région, soit plus que l’automobile, l’aéronautique et la pharmacie réunis. Comme à l’échelle nationale, ce poids économique de la culture en Île-de-France est porté par certains secteurs dynamiques comme le cinéma et l’audiovisuel (65 000 emplois soit 22 % du total des emplois culturels dans la Métropole), suivi du spectacle vivant (38 900 emplois, soit 13 % du total des emplois culturels dans la Métropole).

Le Grand Paris, un territoire créatif qui se distingue la vitalité de ses industries créatives et culturelles - © khoamartin
Le Grand Paris, un territoire créatif qui se distingue la vitalité de ses industries créatives et culturelles - © khoamartin

Si la pandémie de COVID-19 a fragilisé économiquement ces industries culturelles et créatives, en particulier celles dont le modèle économique repose sur les rencontres et l’interaction en présentiel, elle a montré d’une part leur poids économique et les spécificités sectorielles et territoriales et d’autre part la résilience du secteur soutenu par les autorités politiques locales et nationales et sa capacité d’adaptation avec la proposition de nouveaux contenus culturels (festivals, musées, cinémas…) pour maintenir l’offre et le lien avec le lieu culturel.

Un secteur créateur d’entreprises

Le secteur se caractérise également par une dynamique entrepreneuriale. 7 324 entreprises culturelles et créatives ont été créées sur un total de 244 147 créations d’entreprises en Île-de-France en 2019. À titre de comparaison, ce chiffre atteint 7 419 pour la création d’entreprises dans la restauration et 5 849 dans l’industrie, deux secteurs reconnus plus porteurs économiquement. La hausse de création d’entreprises culturelles est de +31,2 % entre 2019 et 2020, contre +27,4 % pour les nouvelles entreprises en France sur la même période. À noter que l’Île-de-France compte de nombreux incubateurs dédiés aux startups culturelles. Comme Creatis, accélérateur dédié aux entreprises innovantes dans les secteurs des médias et de la culture, l‘Incubateur du patrimoine créé par le Centre des Monuments Nationaux spécialisé dans l’accompagnement des projets liés au patrimoine culturel ou encore 104Factory, dédiée aux produits ou services innovants dans les domaines de la création artistique et des industries créatives. L’étude fait état de la volonté accrue des jeunes entreprises innovantes de se structurer, voire de travailler ensemble pour décupler leur impact et créer des synergies. Lors de l’événement We Are French Touch (en novembre 2022 à Paris), rendez-vous des industries culturelles et créatives, témoigne de cette volonté de « jouer collectif ».

Avec plus de 700 infrastructures de création et de lieux de formation, plus de 8 000 lieux de diffusion, l’organisation, en 2022, de 500 festivals et de plus de 300 expositions, l’ouverture ou la réouverture de 44 lieux culturels entre 2014 et 2019 pour seulement 9 % de la population nationale, le Grand Paris se caractérise à la fois par une hyperconcentration des infrastructures culturelles et par une population « surconsommatrice » de produits culturels en comparaison avec d’autres villes. « Il s’agit donc d’un secteur générateur de valeur économique qui pèse lourd dans l’économie francilienne » a noté Solenne Blanc, Directrice Générale de Beaux Arts & Cie.

Les industries culturelles, facteur d’attractivité

L’étude montre le lien entre vitalité culturelle, concentration des industries culturelles et attractivité. Il s’exprime par l’attraction des touristes de loisirs ou d’affaires qui étaient 55 millions de visiteurs en 2019, 44 millions en 2022 dont 65 % qui ont visité au moins un monument ou un musée. En générant d’importants flux touristiques vers Paris et l’Île-de-France, les industries culturelles et créatives engendrent d’importantes retombées économiques indirectes sur le territoire, c’est-à-dire qu’elles contribuent à la croissance d’autres secteurs que le secteur culturel lui-même. Les 55 millions de touristes accueillis en France en 2019 auraient dépensé près de 22 milliards d’euros (logement, restauration, transports, commerces…), un montant à peu près équivalent à celui de 2018, d’après le Comité Régional du Tourisme (CRT) Paris Île-de-France. Selon ce dernier, près de 15,5 millions de visiteurs avaient programmé une activité culturelle au cours de leur séjour lors du premier semestre 2019, générant plus de 8 milliards d’euros de retombées économiques pour la région.

Le dynamisme culturel et créatif du Grand Paris est moteur d’attractivité économique - © Ekaterina Pokrovsky
Le dynamisme culturel et créatif du Grand Paris est moteur d’attractivité économique - © Ekaterina Pokrovsky

L’attraction des touristes d’affaires

Au-delà du tourisme de loisirs, la culture et les industries créatives permettent également de générer un important tourisme d’affaires, notamment les grands événements de l’économie créative tels que la Fashion Week, Paris Photo (plus de 70 000 visiteurs en 2019) ou Paris+ par Art Basel (plus de 40 000 entrées en 5 jours) dont les visiteurs génèrent des retombées économiques pour la région.  

L’attraction des classes créatives

Ce lien s’opère également sur l’attraction des classes créatives  : le talent attire le talent. Et les talents attirent les entreprises qui souhaitent travailler avec eux, pour eux, voire simplement à leur proximité. « Aujourd’hui, la vitalité culturelle et artistique d’une ville joue un rôle important dans la décision d’une entreprise de s’y installer », expose Laurent Roturier, directeur régional des Affaires Culturelles d’Île-de-France.

 

Les fonds levés par des start-ups culturelles en Île-de-France

• 300 millions d’euros levés en juin 2021 pour son entrée en Bourse par Believe (née en 2005), entreprise francilienne spécialisée dans l’accompagnement des artistes et labels.
• 2 millions d’euros levés en 2021 par la start-up AskMona (créée en 2017), concepteur de robots conversationnels pour les lieux culturels et patrimoniaux.
• 4 millions d’euros levés en novembre 2020 par la start-up Affluence qui propose une solution de gestion de flux des visiteurs
• 22 millions d’euros levés par les start-ups de l’incubateur 104Factory en 2019.

Les retombées économiques indirectes des grands événements culturels

• 32 millions d’euros de retombées économiques indirectes (c’est-à-dire hors achat d’œuvres d’art) générés par la FIAC. Au vu de son public de collectionneurs internationaux, les retombées de la foire, tout comme Paris+ qui lui succède, bénéficient principalement à l’hôtellerie de luxe, aux maisons de vente aux enchères et aux musées.

• 1,2 milliard d’euros de retombées économiques pour la Fashion Week de Paris en 2016 (montants investis par les Maisons, retombées sur l’économie parisienne du fait des salons mode et textile et des dépenses de la part des participants à la Fashion Week).