Stratégies

Tommy Vaudecrane (Technopol) : « La Techno Parade est le porte-voix des musiques électroniques »

Par Pascale Baziller | Le | Agences & organisations

25e édition de la Techno Parade, ce samedi 23 septembre 2023. Tommy Vaudecrane, président de l’association Technopol revient sur le dispositif de cet événement, les messages fort et les actions menées autour de la reconnaissance et la promotion des musiques électroniques en France.

La Techno Parade, événement vitrine des musiques électroniques, un secteur en développement - © Amnexia
La Techno Parade, événement vitrine des musiques électroniques, un secteur en développement - © Amnexia

Vous célébrez les 25 ans de la Techno Parade, samedi 23 septembre 2023, dans les rues de la capitale. Quel(s) message(s) souhaitez-vous transmettre à cette occasion ?

La Techno Parade reste et restera une manifestation revendicative pour porter les messages de défense, de reconnaissance et de promotion des cultures électroniques. Aujourd’hui, il y a une acceptation des musiques électroniques mais quand nous avons créé la première Techno Parade en 1998, elles subissaient une forte discrimination. Nous sommes la vitrine, le porte-drapeau, le porte-voix pour montrer, faire entendre, faire exister et faire reconnaître nos musiques. Notre volonté est de montrer leur dynamisme et le public que ça attire mais également leur importance dans le paysage culturel français. Nous travaillons toujours à faire passer un certain nombre de messages auprès des institutions. Le premier combat de notre association créée en 1996 était de faire reconnaître les musiques électroniques par les institutions. Ce que nous avons obtenu. La circulaire interministérielle entre le ministère de la Culture et le ministère de l’Intérieur a permis en 1998 de faire inscrire les musiques électroniques dans la famille des musiques actuelles et de leur apporter une existence légale. Puis, en 2012, notre action a porté sur la reconnaissance du DJ en tant qu’artiste et ainsi une reconnaissance professionnelle. Aujourd’hui, notre réflexion porte sur la manière dont les spécificités des musiques électroniques peuvent être prises en compte par les différents dispositifs institutionnels d’accompagnement (formations, outils, transmission…). Nous n’avons jamais eu autant de vocations chez les jeunes, que ce soit en tant qu’artiste, organisateur d’événement ou encore créateur de label… Notre combat est de pouvoir disposer d’outils pour développer une économie des musiques électroniques qui permet de créer de l’attractivité et du développement économique sur l’ensemble des territoires. La France est en retard dans l’exploitation de ces musiques, en nombre de festivals, de taille de festivals et de tourisme festif par rapport à des capitales comme Barcelone, Amsterdam ou Berlin.

La Techno Parade, un événement festif qui porte les messages de défense, reconnaissance et promotion des musiques électroniques - © Max Pillet
La Techno Parade, un événement festif qui porte les messages de défense, reconnaissance et promotion des musiques électroniques - © Max Pillet

Avez-vous quelques données chiffrées sur ce secteur en France ?

C’est difficile de donner des chiffres précis. En revanche, le poids économique des musiques électroniques était estimé à 650 millions d’euros en 2016 dans une étude de la Sacem. Depuis, ce chiffre a dû doubler en raison d’un grand nombre d’organisations et de collectifs d’artistes qui se sont créés. Nous avons plusieurs milliers d’artistes sur le territoire français. Tous ne vivent pas à 100 % de leur passion et sont obligés d’exercer un autre métier à côté. Il y a près de 35 % des jeunes entre 18 et 25 ans qui écoutent de la musique électronique et une soixantaine de clubs dédiés à ces musiques sur le territoire français, des milliers de festivals de toutes tailles dont les gros festivals comme le Peacock Society, le Dream Nation, Astropolis ou encore Les Nuits sonores mais également des nouvelles créations chaque année malgré les difficultés. Le poids économique doit se situer près du milliard d’euros comprenant la billetterie, les cachets des artistes, les prestataires techniques, les sociétés événementielles, de sécurité, de bar…

La Techno Parade, 25e édition cette anné, rencontre chaque année un large public (ici Techno Parade 2015) - © Jacob Khrist
La Techno Parade, 25e édition cette anné, rencontre chaque année un large public (ici Techno Parade 2015) - © Jacob Khrist

Avez-vous déployé un dispositif particulier pour célébrer ce 25e anniversaire ?

Pas particulièrement mais nous avons 16 chars cette année. Nous avons prévu de faire un dancefloor géant sur la place de la Bastille (départ du défilé) de 12h à 15h, avant le départ du défilé. Nous sommes contents d’avoir autant de chars cette année. Même s’il y a eu quelques désistements, c’est plus que lors des précédentes éditions qui ne comptaient qu’une dizaine de chars. Nous avons été confrontés au fil du temps à une baisse de participants mais, cette année il y a une mobilisation plus forte des acteurs. Ces chars sont représentatifs de la diversité des musiques électroniques, toutes les esthétiques sont quasiment représentées, aussi bien de la House que du Hardcore, de la Drum and Bass ou de la musique plus commerciale qu’on entend à la radio, avec des DJ amateurs ou connus. Car, c’est aussi ça la Techno Parade offrir la possibilité à tous les artistes de se produire. Ils sont invités par les structures indépendantes qui déploient les chars. C’est un événement inclusif, ouvert à toutes et tous aussi bien pour le public que pour les artistes. Par ailleurs, il y aura deux afters organisées par Family Piknik au sein du périphérique dans la zone de la Villette (23 et 24 septembre), pour célébrer et prolonger la Techno Parade. Nous les soutenons dans la communication de ces événements.

Quel est le droit d’entrée pour faire défiler un char ?  

Technopol (qui produit la Techno Parade) est une association. Nous n’avons pas une politique de rentabilité contrairement aux festivals de musique. Les structures qui produisent un char s’acquittent d’un droit d’entrée de 2300 euros qui couvre un certain nombre de services : l’accès au site de montage des chars (Pelouse de Reuilly) et le personnel technique, la sécurité autour du char, l’assurance et la Sacem. Cela nous permet ainsi de payer les coûts inhérents qui permettent la circulation des chars dans les rues de Paris.

Avez-vous des contraintes particulières pour le cortège au départ de la Place de la Bastille ?

Nous n’avons pas nécessairement de contraintes particulières cette année. Ça fait 25 ans que nous organisons la Techno Parade, nous avons montré notre capacité à produire un événement dans des conditions de sécurité et d’accueil du public qui correspondent aux attentes de la préfecture de police et de la ville de Paris. Néanmoins, entre les attentats du World Trade Center, de 2015 et le Covid, il y a un certain nombre de contraintes qui viennent s’ajouter progressivement à l’organisation d’un événement sur la voie publique. Aux débuts, nous n’avions pas d’agents de sécurité autour des chars, mais à un moment donnée en raison de la densité de public, on nous a demandés de mettre un cordon de sécurité autour des chars. Nous avons une dérogation du préfet pour que nos agents de sécurité soient présents sur le défilé avec pour mission unique de sécuriser les chars et ses environs. Ce sont les forces de l’ordre qui sont mandatées pour intervenir si par exemple il y a un mouvement de foule. Nous attendons autour de 300 000 personnes pour cette nouvelle édition, mais cela peut être 400 000 personnes. Les grosses Techno Parades réunissent environ 450 000 personnes.  

La sécurité est donc sans doute le plus gros poste de dépense ? Qu’en est-il de la RSE sur la Techno Parade ?

En effet, c’est le plus gros poste. Nous devons mettre en place un cadre sécurisé pour le défilé des chars qui sont d’ailleurs soumis à un cahier des charges très spécifique comportant un certain nombre de mesures à respecter comme les dimensions (hauteur et longueur, taille…). En termes de RSE, nous cherchons des solutions en matière d’empreinte carbone pour être le moins polluant possible. Il y a pour le moment très peu de camions électriques en circulation. Nous avons eu des camions qui roulent au gaz naturel, ça commence à arriver mais il y a encore des contraintes techniques complexes.

Quel est le modèle économique de cet événement ?

Nous avons quelques aides publiques venant de la région Ile-de-France, de la ville de Paris et une participation cette année du ministère de la Culture pour les 25 ans. Cela représente 30 % du financement. Mais plus grande partie du budget (70 %) vient des sponsors. Nous avons la marque de confiserie Haribo et la boisson Crazy Tiger qui sont présentes sur le défilé avec leurs chars sur lesquelles elles font une activation événementielle. De plus, elles bénéficient d’une visibilité média avec notre partenaire Fun Radio. Nous devions avoir un 3e sponsor. Face à ce désistement, nous avons bénéficié d’un soutien plus important des institutions. Cette situation est rare même si c’est toujours difficile de trouver des annonceurs qui vont se positionner sur un défilé comme celui-ci. Mais, depuis deux ans, nous avons fait le choix de travailler avec une agence qui s’appelle Wild buzz Agency pour nous accompagner dans la recherche de sponsors. Avant, nous opérions de façon artisanale avec nos contacts et des appels entrants, c’était toujours aléatoire et nous n’avions jamais la garantie de pouvoir organiser la Techno Parade. 

Votre association Technopol organise d’autres événements ?

Oui, nous organisons la Paris Electronic Week (Parc de la Villette du 20 au 23 septembre), c’est un salon professionnel dédié aux musiques électroniques qui propose des conférences, des workshops, des soirées… avec des intervenants français et étrangers qui interviennent sur de nombreux sujets autour par exemple des métiers ou de l’écologie afin que les festivals, les activités et les artistes comprennent la nécessité de la transition écologique. Nous avons créé cet événement pour permettre aux professionnels du secteur de se retrouver et échanger. Nous accueillons environ 500 personnes sur cet événement. Par ailleurs, nous avons des antennes en région qui organisent également des événements comme des ateliers et des conférences. Le projet est de développer des formats comme la Paris Electronic Week dans d’autres villes.