Stratégies

Clémence Le Roux (Valeo) : une stratégie événementielle très tech et très business.

  • Sandrine LANGLET
  • Le ( mis à jour le )
  • Marques & entreprises

Passée par l’opérationnel et la communication produit, Clémence Le Roux pilote depuis 2020 l’événementiel de Valeo au niveau mondial. Un rôle pivot qu’elle exerce avec une approche résolument transversale, à l’image de la stratégie du groupe technologique français, qui veut s’imposer comme un acteur de référence de la mobilité de demain. Rencontre au club We Are, à Paris.

Clémence Le Roux (Valeo) : une stratégie événementielle très tech et très business.
Clémence Le Roux (Valeo) : une stratégie événementielle très tech et très business.

Comment est structurée la communication chez Valeo ?

Chez Valeo, la communication n’est pas un relais. C’est un levier. Elle accompagne les grandes mutations industrielles et culturelles. Depuis 2022 et l’arrivée de notre directeur général Christophe Périllat, le groupe a lancé un programme de transformation stratégique, avec une equity story resserrée autour de ses technologies clés : POWER pour l’électrification, BRAIN pour l’aide à la conduite, LIGHT pour l’éclairage, et SERVICE pour la pièce de rechange. La communication vient totalement en soutien de ce plan. D’ailleurs, François Marion, notre chief communication officer, est aussi en charge de la relation investisseurs. C’est assez rare et ça donne une tonalité très business à notre communication.

Comment cette stratégie impacte-t-elle votre vision de l’événementiel et du hors média ?

Un stand sur un salon, c’est une partie du dispositif, mais ce n’est jamais juste un stand.

Les événements doivent accompagner la transformation du groupe et avoir un fort impact business. Ils sont pensés comme des plateformes globales de communication. Un stand sur un salon, c’est une partie du dispositif, mais ce n’est jamais juste un stand. On active tous les leviers possibles : les prises de parole en conférences, les relais digitaux, les contenus créés sur place, les prolongements en interne. Nous produisons même nos propres formats pour maximiser notre impact.

Concrètement, comment traduisez-vous cette priorité d’efficacité business dans vos opérations ?

Nous choisissons les grands salons automobiles sur lesquels nous sommes présents avec un certain pragmatisme, selon les années et les priorités marchés.

Prenons le dernier Mondial de l’Auto en France car nous y avons testé un nouveau dispositif. Nous avions un stand à la Porte de Versailles pour porter un message de marque et accroitre notre notoriété, à la fois auprès de la filière (institutionnels, industriels, politiques) et du grand public, utilisateur final de nos technologies.

Mais en parallèle, nous avons monté un side event à Malakoff, dans un espace de 2 000 m² relié au salon par navette, pour accueillir clients, partenaires et investisseurs. Nous y avons aussi fait venir nos équipes, nos ambassadeurs, ainsi nous avons pu nous adresser à toutes nos cibles.

C’est un bon exemple de ce que l’on cherche à faire : des dispositifs modulaires, étendus, valorisables en interne et réplicables ailleurs. Nous avons challengé les règles de participation à un salon et créé une autre dynamique, hors-les-murs, en maximisant l’impact de l’événement initial.

Side Event à Malakoff lors du Mondial de l’Auto 2024 - © Mathias Filippini - Couloir3.com
Side Event à Malakoff lors du Mondial de l’Auto 2024 - © Mathias Filippini - Couloir3.com

Side Event à Malakoff lors du Mondial de l’Auto 2024 - © bastien Borda - Couloir3.com
Side Event à Malakoff lors du Mondial de l’Auto 2024 - © bastien Borda - Couloir3.com

Nous devons aussi nous différencier en rendant nos technologies plus tangibles car un grand nombre sont embarquées, donc invisibles, or il faut pouvoir les montrer, les tester. Même pour nos clients. Nous développons donc spécialement des formats immersifs et didactiques : réalité augmentée, hologrammes, démo interactives avec parcours personnalisés, etc.

C’est comme ça qu’est né Valeo Racer, notre expérience de jeu en réalité étendue, pour illustrer un nouveau type de divertissement embarqué. Le passager joue depuis son téléphone ou sa tablette, connectés au Wi-Fi et aux caméras du véhicule. Ce n’est pas un produit fini, mais une preuve de concept qui montre de quelle manière nos briques technologiques peuvent enrichir l’expérience utilisateur.

Et en dehors des salons ?

Ce que nous voulons, c’est faire vivre chaque événement au-delà de sa temporalité.

Ce que nous voulons, c’est faire vivre chaque événement au-delà de sa temporalité. Il doit continuer d’exister en étant partagé, réutilisé, transformé. Suivant cette logique, on a adopté le format keynote en s’inspirant des codes de la tech : des messages simples, clairs et très visuels. Cela nous permet de poser un cap, de marquer les esprits. Ces contenus sont réexploités sur les réseaux, en interne, ou dans les outils des commerciaux. Aujourd’hui, c’est devenu notre signature.

Dans le même esprit, nous participons à de nombreuses tables rondes où nous sommes souvent invités par nos partenaires, en plus des congrès techniques où nous sommes très sollicités. C’est une autre manière d’exister dans l’écosystème, sans forcément porter seuls la parole.

Nous animons aussi des TechDays chez nos clients : des formats en petit comité, très concrets, qui ouvrent directement la discussion business. Là encore, l’idée est de proposer des démonstrations utiles et ciblées, avec des cas d’usage parlants.

Et chaque événement est vu comme une opportunité de création de contenus. À Malakoff, par exemple, nous avons tourné des vidéos pensées pour des activations ultérieures.

À propos des contenus justement, quels canaux privilégiez-vous, et sur quels KPIs vous appuyez-vous ?

En tant que marque BtoB, nous ne faisons pas de grandes campagnes de communication et LinkedIn est clairement notre canal principal. C’est un bon indicateur avec plus d’1,5 M d’abonnés.

Nous avons mis en place un programme d’ambassadeurs internes avec des salariés formés à la prise de parole sur les réseaux. Ils incarnent nos messages, nos événements et nos innovations bien mieux qu’un discours corporate.

Après, nos KPIs sont surtout business : leads générés, réutilisation des formats, duplication locale des dispositifs. Si une direction nationale reprend un format, c’est qu’on a réussi.

C’est ce qui s’est passé avec le side event de Malakoff : la direction Chine l’a répliqué pour le salon de Shanghai, c’est un vrai indicateur d’impact.

Vous vous inscrivez aussi dans des écosystèmes plus ouverts, en mode « start-up », comme ceux de la French Tech ou des ICC, on vous a vu à SXSW…

Oui, mais c’est une stratégie parfaitement maîtrisée. Nous ne participons à un événement que lorsque nous avons quelque chose à montrer ou à partager.

Quand on parle d’innovation, de design et d’usages de demain, la mobilité sous toutes ses formes est toujours en toile de fond.

Au-delà du CES de Las Vegas, événement incontournable pour un acteur technologique comme Valeo, nous avons été l’une des premières entreprises françaises à miser sur South by Southwest (SXSW), à Austin. Quand on parle d’innovation, de design et d’usages de demain, la mobilité sous toutes ses formes est toujours en toile de fond. Cette année, aux côtés de La French Touch, nous avons pu dialoguer avec des profils plus créatifs, culturels, autour d’une même obsession : proposer de nouvelles expériences à l’utilisateur final.

Nous sommes d’ailleurs membres du club We Are, qui rassemble des acteurs des ICC (Industries Culturelles et Créatives). Cela nous permet de capter les grandes tendances tech et sociétales en amont et d’enrichir notre vision.

Nous évoluons dans un écosystème hybride où les frontières entre industries deviennent plus poreuses. Ce n’est pas une posture opportuniste. C’est une condition de l’innovation. C’est ce qui nous amène à coopérer avec des acteurs très variés : Unity, AWS, Google Cloud, Qualcomm

Valeo à SXSW - © D.R.
Valeo à SXSW - © D.R.

Ça nourrit votre innovation en fait ?

Nous sommes convaincus que l’innovation est un sport d’équipe.

Exactement. Nous sommes convaincus que l’innovation est un sport d’équipe. Des événements comme SXSW ou le AWS Summit sont des occasions uniques de croiser les expertises, d’échanger avec de nouveaux partenaires, de faire émerger des idées.

Le développement du « véhicule défini par logiciel » est un vrai tournant, quasi la moitié de nos 20 000 ingénieurs font du software aujourd’hui. La voiture devient une plateforme digitale, un téléphone sur roues, une maison connectée mobile. Ce qui fait la différence, ce sont les apps embarquées, les interfaces, les services.

Chez Valeo, nous fournissons les briques logicielles qui permettent à d’autres de créer ces expériences embarquées. Pas pour faire du gadget, mais pour enrichir l’usage. C’est notre ligne, on appelle ça notre tech mindset : la technologie doit être au service d’une utilité, d’une émotion, d’une sécurité.

Un exemple : nous avons développé des solutions de refroidissement ultra-précises pour les batteries de véhicules électriques. Et très logiquement, nous les avons adaptées aux data centers, via un partenariat avec la start-up ZutaCore. Même technologie, même exigence, nouvelle application. C’est du bon sens industriel.

Et ça s’appuie sur une véritable culture de l’innovation en interne : Valeo est l’une des entreprises françaises qui déposent le plus de brevets, avec 80 % de l’innovation avancée dans l’Hexagone, mais nous avons aussi des centres aux États-Unis, en Chine, partout où sont nos clients.

NDLR  : Valeo fait partie des trois premiers déposants de brevets en France, aux côtés de Safran et Stellantis, avec plus de 10 000 brevets actifs dans le monde (source  INPI).

Vous en êtes où concernant l’IA ?

Nous considérons l’IA comme un levier d’efficacité : elle doit faire gagner du temps pour mieux se concentrer sur ce qui a de la valeur. Ce n’est pas une « fascination technologique », nous avons une approche utile et concrète.

Nous avons ouvert dès 2017 le premier centre mondial de recherche dédié à l’intelligence artificielle et au deep learning pour les applications automobiles. Reconnaissance caméra, prédiction de comportement, analyse d’environnement… Aujourd’hui, cette expertise irrigue toutes nos briques logicielles.

Il y a deux ans, nous avons lancé un grand hackathon interne, avec Google et Artefact, pour identifier des cas d’usage possibles dans les métiers. On attendait une centaine de contributions, on en a reçu plus de 800, beaucoup sont déjà en cours de déploiement. Ce qui nous a bluffés, c’est la diversité des réponses. Tous les métiers ont participé, pas seulement la R&D. Certaines idées concernaient nos produits eux-mêmes, comme l’analyse d’image ou la reconnaissance embarquée. D’autres touchaient à la façon dont on les développe, avec des modules d’IA pour générer du code ou assister les chefs de projet. Et d’autres encore concernaient la communication : tri, annotation, ou génération de scripts vidéo.

Ce hackathon a été un vrai révélateur. Il montre à quel point l’innovation est partagée, transversale, et à quel point nos équipes sont prêtes à s’en emparer.

Vous avez des causes internes, en lien avec votre RSE par exemple ?

Ce qu’on fait, c’est pour les humains, fait par des humains

Ce qu’on fait, c’est pour les humains, fait par des humains. Nous revendiquons une forme d’impact par l’action : sécurité routière, décarbonation, IA utile. En imaginant des usages fondés sur des équipements déjà embarqués, nous limitons l’impact au niveau énergétique. Dans Valeo Racer, le jeu s’appuie sur des caméras existantes, initialement conçues pour la sécurité. Tout se joue dans le software. Chez nous, l’engagement n’est pas une surcouche RSE, c’est le cœur de nos produits.

Valeo Racer - © D.R.
Valeo Racer - © D.R.

NDLR : En 2025, Valeo a remporté le Prix innovation de la Sécurité Routière pour sa technologie EvenLED, qui améliore la visibilité des véhicules tout en réduisant l’éblouissement des autres usagers grâce à une diffusion ultra-homogène de la lumière.