Stratégies

« Élargir notre audience, le défi de notre communication » — Victoire de Margerie, Dassault Systèmes


Quel est le lien entre la pyramide de Khéops, Notre-Dame de Paris ou le Pavillon France de l’Expo Osaka 2025 ? Dassault Systèmes. Entré au CAC 40 en 2019, le géant français de la 3D Experience s’est imposé au-delà des cercles industriels. Portée par la campagne « The Only Progress is Human », sa communication a trouvé un nouveau souffle, jusqu’à s’affranchir de son héritage aéronautique. Retour sur cette transformation avec Victoire de Margerie, Directrice du Marketing Corporate et de la Communication.

« Élargir notre audience, le défi de notre communication » — Victoire de Margerie, Dassault Systèmes
« Élargir notre audience, le défi de notre communication » — Victoire de Margerie, Dassault Systèmes

Référence mondiale dans l’exploration 3D, Dassault Systèmes entame 2025 avec ambition, portée par un bénéfice net en hausse de 14 % en 2024 et une accélération stratégique sur l’intelligence artificielle industrielle.

L’entreprise a récemment officialisé un partenariat « silver » avec COFREX pour l’Exposition universelle d’Osaka, dont elle a conçu le jumeau virtuel du Pavillon France. En parallèle, elle vient de conclure sa campagne The Only Progress is Human par l’opération événementielle Energy Experience, conçue en collaboration avec Brainsonic. Dernier acte d’un cycle qui lui aura permis d’élargir sa notoriété, de renouveler ses codes de communication en investissant massivement les réseaux sociaux, et d’initier un dialogue plus expérientiel avec le grand public.

Entretien avec Victoire de Margerie, Directrice du Marketing Corporate et de la Communication.

Comment votre mission influence-t-elle vos priorités de communication en 2025, notamment en matière de narration de marque, de ciblage et d’engagement sociétal ?

Notre mission est d’aider à produire mieux, soigner plus vite, polluer moins. C’est le sens de notre signature, déployée depuis plusieurs années : Virtual Worlds for Real Life. Ce que les gens ignorent souvent, c’est que nos solutions sont partout - dans les baskets que vous portez, le shampoing de votre salle de bain ou l’avion que vous prenez. Une voiture plus sûre, un bâtiment plus économe en énergie, ou encore un vaccin développé plus vite, tout cela peut être simulé dans un monde virtuel avant de devenir réalité.

En 2025, notre enjeu est donc de continuer à faire connaître cette mission au grand public. Pour cela, nous nous affranchissons des codes trop B2B et rendons nos prises de parole plus vivantes, immersives et inspirantes, en empruntant les codes du BtoC.

Depuis 2020, l’initiative The Only Progress is Human a rythmé votre communication autour de grands défis. Quels étaient vos objectifs en lançant cette campagne au long cours, et selon quels critères avez-vous choisi les différents actes ?

Nous avons fait évoluer en profondeur notre façon de communiquer ces dernières années. Nos ingénieurs transforment le monde avec leurs innovations et nous voulons le faire ressentir, montrer ce qu’elles apportent concrètement dans notre quotidien. C’est ainsi qu’est née la campagne The Only Progress is Human.

L’idée était d’illustrer comment nous répondons à dix grands défis de société avec des solutions durables. Pas évident, mais c’est le cœur de notre identité. Chaque défi a donné lieu à un acte fort. Virtual Harmony portait sur l’émotion, Water for Life sur la préservation de l’eau, Living Heritage sur la compréhension du passé pour mieux appréhender l’avenir, Urban Renaissance sur les villes, Emma Twin sur la santé, Mobility Night Ride sur la mobilité, et enfin, Energy Experience sur l’énergie durable. Chaque fois, nous avons raconté une histoire différente, avec un fil rouge : l’innovation technologique pensée pour l’humain et pour la planète.

Dernier acte de la campagne, l’Energy Experience a pris fin le 30 avril. Pourquoi avoir choisi ce thème pour clore ce cycle ? Quels messages et objectifs portiez-vous à travers cette activation ?

Nous avons choisi ce thème parce qu’à nos yeux, c’est LE défi majeur. L’idée c’était de sensibiliser le grand public. De lui faire découvrir des solutions innovantes et activables : agriculture urbaine, véhicules propres, matériaux durables… Et de lui montrer qu’elles se concrétisent aujourd’hui grâce à des acteurs comme EEL Energy, Urbanloop ou Midipile - des startups que Dassault Systèmes accompagne.

Cette expérience n’avait donc pas pour seul objectif de provoquer un effet « waouh », mais surtout de montrer que nous avons déjà les clés, via les projets de nos clients et partenaires, pour répondre à ce grand défi énergétique.

Pouvez-vous détailler le dispositif mis en place pour cette Energy Experience ?

Pendant deux mois, Parisiens et touristes ont été invités à participer à une chasse au trésor en réalité augmentée pour découvrir comment la technologie peut rendre la ville plus durable. Neuf séquences ludiques, mêlant exploration urbaine et gamification, permettaient d’accéder à certains monuments en version « augmentée » : l’Arc de Triomphe transformé en ferme verticale, le Grand Palais reconstruit avec un bois innovant, ou encore la Seine produisant de l’énergie grâce à des hydroliennes inspirées de la nature. Des scénarios qui reposent donc sur des technologies existantes, ce n’est pas juste de la prospective.

L’expérience se vivait via une application web immersive. En scannant un maximum de monuments identifiés, les participants pouvaient tenter de remporter de nombreux prix. Nous avons déployé une campagne 360 pour soutenir l’opération : affiches dans les kiosques, spots digitaux, triporteurs, écran géant 3D à Saint-Lazare… Le tout combiné à des actions presse, influence et paid media.

Energy Experience - © D.R.
Energy Experience - © D.R.

Energy Experience - © D.R.
Energy Experience - © D.R.

Quels retours avez-vous eus sur cet acte ? Comment mesurez-vous son impact auprès de vos différents publics ?

Avec Energy Experience, notre objectif était double : gagner en visibilité auprès du grand public et faire en sorte que Dassault Systèmes devienne une marque plus familière.

Les premiers retours sont très bons, autant côté grand public que côté partenaires. Nous regardons bien sûr les chiffres de participation, les taux de complétion, les retours utilisateurs… Et clairement, ça fonctionne. La gamification et les récompenses ont vraiment boosté l’adhésion, en particulier dans un contexte où notre technologie peut sembler abstraite.

L’opération a également eu un volet interne : plus d’une centaine de collaborateurs basés en Île-de-France ont embarqué à bord d’un bus aux couleurs de Dassault Systèmes pour vivre l’expérience sur le terrain. Un moment de partage collectif qui a généré des échanges inspirants autour des défis de l’énergie et de la nature.

Cette campagne de fond a-t-elle transformé durablement vos pratiques de communication et vos offres ?

Tous les actes de The Only Progress is Human s’appuyaient sur des technologies existantes ou en voie de développement. C’était primordial pour s’assurer de notre impact réel. Chaque activation a ainsi été une occasion d’apprendre, d’ajuster nos messages, d’améliorer nos offres, et également de faire évoluer nos façons de travailler tout au long de ces années de déploiement.

Cette campagne n’a jamais été pensée comme un « one shot ». Elle nourrit en profondeur notre stratégie, nos partenariats, et même nos produits.

Comment votre engagement aux côtés du Pavillon France pour l’Expo d’Osaka - renforcé récemment par un partenariat officiel - prolonge-t-il votre stratégie de communication de marque ?

Dassault Systèmes a développé le jumeau virtuel du Pavillon France dans un espace immersif, collaboratif et interactif baptisé Téléport 1/1, qui a permis de concevoir et d’explorer l’aménagement intérieur à l’échelle réelle avant même sa construction. Ce dispositif a été présenté en février à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris, en présence du président de la République.

Le thème de l’Expo, Imaginer notre vie de demain s’aligne parfaitement avec notre mission et notre ambition de faire découvrir les jumeaux virtuels à un public bien plus large que celui de l’industrie. Cet engagement s’inscrit aussi dans une dynamique de long terme, puisque le Japon est un marché historique pour Dassault Systèmes avec de nombreux clients, comme Toyota par exemple, et près d’un tiers de notre activité réalisée en Asie-Pacifique.

 Le jumeau virtuel du Pavillon France  - © D.R.
Le jumeau virtuel du Pavillon France - © D.R.

Vous êtes membre d’Entreprises et Médias. Quels grands sujets de communication vous semblent aujourd’hui structurants ou émergents dans les échanges entre pairs ?

Deux sujets me semblent essentiels : l’IA générative… et ce que j’appelle la « décroissance éditoriale ». L’IA permet de produire beaucoup de contenu, très vite. Mais est-ce que nous avons besoin de toujours produire plus ? Pas sûr.

Aujourd’hui, mieux vaut dire moins, mais mieux. Un message clair, incarné, sincère, vaut mille publications impersonnelles. C’est un vrai changement de posture : nous ne cherchons plus à « occuper l’espace », mais à toucher juste.

NDLR : Entreprises & Médias est une association qui réunit les directeurs de la communication des grandes organisations privées et publiques françaises, pour favoriser les échanges stratégiques entre pairs.

Vous avez débuté en agence événementielle. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’évolution du secteur et sur la place croissante de l’innovation et de l’expérientiel ?

Je suis en effet passée par l’événementiel, mais j’ai débuté par la publicité. Ce que j’ai appris et retenu, c’est que l’émotion est un levier formidable pour faire passer du sens. Aujourd’hui, la technologie est partout, mais l’enjeu, c’est la créativité. L’événement n’est plus un moment isolé, c’est une expérience qui se tisse entre le réel et le virtuel, dans un récit global.